Installation
Mon projet est d'installé en extérieur un tableau peint de grande dimension, afin qu’il ait une ampleur dans le champ visuel du spectateur, à la manière d’un panneau publicitaire. Le point de vue est indiqué afin que la lecture du rectangle s’ajuste avec le contexte naturel qui l’entoure. L’image ici représente une continuité du paysage de sorte que, retiré du lieu, la peinture perdrait sa raison d’être. Un hommage sans doute à l'humour du peintre belge Magritte. L’image invite le réel dans sa rêverie colorée puis oblige le site en hors-cadre à figurer comme partie de la composition. Si l’urinoir de Marcel Duchamp s’est émancipé de la peinture, pourquoi une peinture ne pourrait-elle pas, en retour, transformer le cadre réel autour du tableau en objet peint ? Épreuve de force dans laquelle la peinture reste influente. L'interprétation (plastique, musicale ou poétique) est un cœur auquel se rapportent les choses et les êtres : une sorte de retour. Car comment pousser un peu à contre-sens la porte jadis ouverte par Marcel Duchamp ? Le peintre Duchamp nous a donné toute licence de le contredire en affirmant : « L'art est un jeu entre les hommes de toutes les époques. ». Car il serait dommage de croire que l’art de peindre soit mort avec son œuvre.
Et si l'appellation “Mondes Nouveaux” devenait une nouvelle marque du temps en remplacement de l'époque dite “Contemporaine” ? Hier encore, le présent s'écrivait au singulier et ce changement ouvre une nouvelle période artistique s'écrivant maintenant au pluriel. Car voici la diversité des expressions historiques et expérimentales réunies, le concept et le travail de la main enfin réconciliés. Cette nouveauté laisse à chacun le soin d'habiter son propre monde, aucun mode d'expression ne sera exclus de la fête désormais.
Matériaux : construction de la structure en bois, de son socle puis une réalisation peinte sur un support rigide en contreplaqué ou en PVC. – Calméjane Yves 2011
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• Peinture in situ en 2017
« Duchamp a placé sur un lieu d'exposition un produit manufacturé en lui offrant la signature d'un artiste . Entre la naissance du premier Ready-made, la “Roue de bicyclette” en 1913 et le scandale de l’urinoir titré “ Fontaine” en 1917, nous sommes rentrés dans des années anniversaires. Dans le cadre de ce centenaire, j'ai souhaité en 2014 réaliser une tentatives symboliques, non sans amusement et délectation. Mon souhait était d’instaurer une réconciliation entre les expériences dites contemporaines et les procédés d’un peintre avec son chevalet devant la nature. Ma peinture installée in situ, démarche folitaire, était à découvrir en 2014 dans la cour d'un Musée des Métiers en Auvergne, avec l'accord de la Commune (je remercie la mairie d'Olliergues dans le 63). La figuration peinte attirait l’attention sur un patrimoine de la région.
Le ready-made de Duchamp est unanimement accepté comme étant l'origine de l'art conceptuel post-moderne. C’est ainsi que l’on a vu la rébellion des objets s’échappant d’eux-mêmes du cadre des tableaux et se rassembler dans les expositions à la façon des sculptures sous forme "d'installations". On a vu les artistes quitter leurs tabliers d’ouvriers, passant commande aux artisans ou aux industries pour leurs projets. Le peintre a toujours représenté des objets mais plus généralement des êtres. Ainsi “le vivant“ est-il sorti également des cadres : avec des actions en direct, des performances, des interactions avec le public, des installations au cœur du paysage. C'est une libération sympathique et historique mais il serait dommage bien sûr de croire que l’art de peindre soit mort pour autant. Il n'est pas question de contester les différentes ruptures constatées jusqu'à nous. Les habitudes finissent par nous enfermer dans des conventions sans que nous en prenions conscience. Les offenses faites à ces rigidités vieillissantes nous ont ouverts à d'autres possibles. Mes motivations sont simplement ici de souligner les astreintes actuelles, lorsque des voies nouvelles sont transformées en passages obligés. Ouvrir une porte implique-t-il que toutes les autres se referment ? Ma demande est de laisser toutes les frontières créatives ouvertes car la manière de procéder ne fait pas l'essentiel.
En ce temps-là, Duchamp a donné pouvoir aux ustensiles inanimés de devenir des "œuvres", telles les peintures dans les musées sans que l’on se donne la peine de les peindre. En effet à l'imitation plate et inutile, l'objet réel pourrait être préférable. L’urinoir de Duchamp s’est émancipé de la représentation peinte cependant que l'artiste, épris d'un pouvoir extraordinaire, déclare de son propre chef la nature artistique de l'objet choisi. Avec Duchamp, l'œuvre est élue sans assemblée comme cela se pratique en dictature. De cet acte découle la rupture avec l'art dit “traditionnel”, art que j'ai préféré appeler : « art non-conceptuel“.
Le ready-made est une caricature des représentations anecdotiques des peintres académiques. Cette critique salutaire, dénonce l'inutilité d'une simple copie du modèle et lui préfère à choisir l'objet lui-même. Pascal, dans la phrase suivante est précurseur en ce sujet : « Quelle vanité que la peinture qui attire notre admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux. » (Pensées). Jamais les objets n’ont été la finalité de la peinture. L’image de la réalité est éternellement un chantier en construction ayant besoin de ses ouvriers. Le rôle du modèle n’est pas celui que l’on présume et j'aimerais que rien n'interdise le retour à sa dimension poétique sous le pinceau.
Depuis Duchamp, on privilégie le concept au désavantage de la maîtrise technique de l’artisan-ouvrier. L’artiste a l’illusion de s’élever à un rang supérieur en adoptant un statut emprunté à l’ingénierie. Depuis l’Antiquité, notre civilisation a privilégié l’intellect plutôt que le manuel. Un jour peut-être, le travail des mains trouvera l’estime qui lui est due. La science reconnaît l’importance de la main dans l’évolution de l’espèce humaine. Le peintre Claude Monet nous rappelle simplement par cette négative : « On ne fait pas des tableaux avec des doctrines […] ». Derrière l'œuvre subversive de Duchamp se cachent aussi le geste et le mode par lesquels le plasticien compte intervenir : l'idée qu'il a derrière la tête. C'est l'aspect conceptuel découlant de la démarche. L'objet final peut même tout à fait s'avérer inutile devant l'intention du concepteur, le résultat avoir moins d'intérêt que le geste par lequel on le verra naître. Mais quoi qu'il en soit, si le spectateur n'est pas touché par un sentiment, il me semble que toute démonstration est inutile, voire nuisible. Mise en œuvre, idée, geste, objet final ou discours explicatif en présentation sur un cartel, si rien ne vibre en nous, toute peine est inutile. Si le vide d'une simple reproduction peinte est à constater dans bien des cas, tous modes opératoires ou concepts peuvent également sonner creux.
L'art est une plante d'essence sauvage, il n'est pas possible de la cultiver, ni artisanalement, ni industriellement. L'art n'a pas besoin d'être accompagné et aidé. Cette mauvaise graine ne saurait collaborer à aucun monde organisé. Ses fruits poussent sur les murs des villes ou en plein maquis, sans arrosage automatique et sans engrais. Aucune forme d'exploitation ne pourrait les produire et en faire le commerce, c'est contre sa nature. Ce végétal, fleuri en terre humaine, appartient à toutes les femmes et à tous les hommes qui ont un cœur. Aucun propriétaire terrien, ni privé ni public, ne pourra l'emprisonner à jamais. L’Art-Contemporain n'est pas la première des écoles victime d'un but caché : d'en domestiquer la récolte, de maîtriser tous les débordements de nos esprits, de l'astreindre aujourd'hui à refléter la conformité de la toute puissante mondialisation. » – Yves Calméjane, Olliergues (63), en 2013
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