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2007 - Petit manifeste

 

Je préfère les échanges dénués de toutes spéculations, lorsque les personnes ne sont pas sous l’influence d’un auditoire. Les rencontres véritables sont précieuses. Le talent de représentation est avant tout une nécessité pour les marchands, pas pour les peintres.


De l’entendement des snobs, la culture est une quantité. Comme si, à la manière d’un avoir ou d’un savoir, l’on pouvait en être totalement dépourvu, ou comme si l’on pouvait en être bien rempli. Que deviennent alors les profondeurs de nos origines, de nos vies, nos véracités, notre amour ?


Le domaine de l'art n'est pas la pensée mais l'esprit. C'est la forme de l'esprit qui oriente toute pensée comme le logiciel oriente le calcul. Il n'existe aucune méthode pédagogique pour l'esprit, le seul média réellement disponible est l'amour et les rencontres véritables.


Nos esprits sont éternellement mesquins en comparaison de l'univers qui nous entoure. La confrontation avec la nature est essentielle à toutes cultures et l'émerveillement est la marque de cet apprentissage. Aucune mentalité humaine ne pourra jamais égaler les qualités de la nature. Cette nourriture est offerte. La figuration chez de nombreux peintres est une conséquence de choix plus en amont. Ce “classicisme” apparent résulte du fait qu’ils ont rendez-vous sur les lieux même de la vie.


“Fond” égale “forme” ne veut pas dire que l’habit fait le moine ! C’est le cas de “l’auberge espagnole”, où, par hasard, des formes accompagnent un état d’esprit qui croit s’y reconnaître. Le dit “fond” peut se trouver démuni de consistance. C’est que l’apparence est une empreinte de l’esprit qui l’engendre. D'ailleurs l’unité découle de la persistance d’un même esprit. Or, même à notre insu, par le biais d’un caractère, l’âme ou la pensée impriment la matière visuelle. À la façon du microsillon, la lecture d’une forme retranscrit la nature de l’esprit qui a organisé cet événement visuel. Cela n’est pas de la magie, on doit juste éviter d’altérer le cours naturel et simple de la vie.


La valeur d’un travail n’est pas subordonnée aux manifestations d’un genre, d’une mode, ou d’une manière. La nouveauté pour la nouveauté, astuce utilisée trop fréquemment par les publicitaires, finit par user les effets de la surprise. Le territoire des possibilités de truquages s’épuise tandis que d’autres nuances moins spectaculaires sont infinies.


Une des voies qui s’offre à nous est un retour discret au métier. Ce choix ne peut faire l’objet de revendications et oblige à la modestie. La vraie quête se trouve dans la simplicité. L’héritage qui nous est transmis nous propose de nous éloigner de tous les artifices afin de travailler réellement sur les questions de fond tout en se montrant tels que nous sommes.


Les vrais outils de dessin et de peinture ne s’achètent pas dans les magasins, ils se forgent en nous. Le meilleur de nous-même est une ”matière” indéfinissable qui se vérifie plus dans les faits que dans la connaissance logique. La chose à reconnaître ou à éprouver, réclame de notre part non pas du savoir mais de la confiance.

Calméjane Yves (2007 ©)

 


(Suite)

 

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