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2011 : Confidences

 

Peindre la nature in situ aujourd'hui :

J’aimerais vous convaincre que je ne peins pas avec un chevalet devant la nature par nostalgie. J'admire l'art d’hier, je m'intéresse à l'art d’aujourd’hui mais seul compte l'art de toujours. Nos cultures demeurent éternellement étriquées face à la grandeur inépuisable de notre environnement naturel. Sortir de l’atelier pour aller à cette rencontre est essentiel à l’éveil de nos esprits. Je ne cherche pas à faire un paysage, j’aimerais peindre l’univers qui nous entoure de son amour. C’est étrangement cette expression que je reçois de la nature; oui, un visage aimant. Choisir un point de vue pour peindre est une première démarche où se joue l’essentiel du futur ouvrage, son concept, sa composition, sa poésie. Je m’efforce de découvrir un parti qui appartient à mon intime émotion et non pas au souvenir d’un des nombreux peintres que j’ai tant aimé. Le travail sur le motif est un long dépouillement. J’aimerais m’affranchir de toutes les facilités, mais c’est toute une vie. Sans émerveillement la peinture deviendrait un sordide exercice d’écolier. Je me dois de mesurer la sincérité de mon choix avant même de réaliser mon ouvrage. Mais j’ai beau tourner, hésiter, je resterai toujours cet étudiant nourri par les œuvres de ses pères. Nous ne sommes jamais qu’en devenir sur un chemin entrepris malgré son issue incertaine. Pariant sur le travail, la persévérance, je pars à la recherche de mes propres signes plastiques, guidé par la sensation de beauté que m'offre la nature. Comment trouver le lien entre la sensation qu’offre la visite d’un site et la nécessité d’établir un motif solide dans son cadre ? Ces deux réalités sont aussi éloignées que le sont la matière et l’esprit. Le métier du peintre n’est-il pas de donner de l’esprit à la matière ? Le peintre sur le motif recherche son cadrage comme un photographe mais sans imiter les effets par petits bouts de fausses matières ou par des tromperies d’effets de lumière, il ré-invente la réalité par les moyens qu’offre la peinture et le dessin et sans dénaturer la nature des matériaux de cette peinture et de ce dessin. Pour le dire autrement, le peintre ne cherche pas à copier les aspects optiques du modèle mais invente des équivalents synthétiques pour suggérer l’essentiel. Lorsque je commence au fusain à circonscrire un morceau de paysage où tout ce qui m’entoure doit y figurer cependant, je redécouvre chaques masses comme si je les portais moi-même à bout de bras et les déplace dans l’espace de mon tableau jusqu’à ce qu’elles prennent de la force ainsi que leurs justes caractères les uns par rapport aux autres. Les lignes sont des caresses sur le dos des volumes cependant que sur la surface de la toile ces lignes deviennent des animations d’arabesques, de la musique. Mon regard plonge avec force dans l’épaisseur de l’espace et demeure résolument attentif à l’ensemble de mon champ de vision. Résultat d’un très long travail sur mon regard... Je lis de plus en plus la nature par l’intérieur. J’ajuste les masses par le langage des lignes avec la mesure du sentiment qui me porte car aucun calcul ne peut surpasser le bonheur de faire l’amour avec les formes. Il est désastreux de construire des proportions avec un esprit de froide géométrie, aussi malin soit-il. Je fixe enfin mon tracé de fusain avec un liant au pinceau et cette action transforme le dessin en peinture. C’est une occasion pour mieux penser les surfaces comme étant de futures plages de couleurs. Je constitue ma palette en fonction du motif à réaliser. Je recherche sans concession la couleur proche de la nature par des mélanges. Les couleurs vives ne sont pas compatibles avec la représentation de la profondeur que je recherche. La couleur réclame au contraire une découpe de formes en aplat. J’utilise des tons rabattus également par refus du recours à la séduction. Souvent j’aime la force dans le dessin et la douceur dans la couleur car je n’aime ni le trop de douceur ni le trop de force. Je pose la couleur famille par famille en commençant par les ombres, en prenant soin d’étendre légèrement ces tons sombres pour ne pas salir les touches plus en empattements des futures lumières. Je recherche plus le rapport des tons entre eux que la couleur isolée. Une note est arbitrairement juste selon son contraste simultané avec l’ensemble de l’harmonie du tableau. C’est une attention soutenue avec cette impression montante d’une chorale où chaque voie s’ajoute une à une au cœur d’une partition que je découvre. J’hésite, je me reprends, je me corrige, pour, ponctuellement poser fortement une affirmation. Une relative conviction me vient de ce que j’ai préalablement longuement chercher. Mon but n’est pas la représentation du détail. J’arrête enfin mon tableau lorsque je reconnais cette primitive impression que j’ai reçu du spectacle qui m’a fait m’installer ici. Si je vous impose un spectacle trop défini, ne suis-je pas un peintre abusif. En créant trop d’illusion, ne devenez-vous pas la proie d’une tromperie ? Si j’ouvre des possibilités d’interprétation par de simples suggestions, je vous laisse libre et prouve ma considération envers vos qualités de jugement. Mais à quel stade en viendrais-je à me rendre illisible ? Tous réglages restent entre vous et moi. Le plan sur lequel vous regardez mon tableau est le même que celui d’où je me suis tenu pour le produire. Nous regardons la même chose, nos têtes se superposent sur un emplacement commun. Peut-être cela nous unit-il ? La peinture n’est pas une marchandise comme les autres, elle est même tout sauf une marchandise. C’est un évènement comparable à une naissance dans une famille, elle doit trouver sa place chez vous et grandir au long de votre vie, c’est un cœur qui bat sur les murs de la maison, une fenêtre de l’esprit.

 

Calméjane, Barjols (2011 © )




Film d'Alexis Flamand :

https://www.youtube.com/watch?v=2Q3MjmFHbyM

 

Commentaires sur le film :

"L'art c'est l'humain. Regardez le regard d'Yves Calmejane, et vous comprendrez la dimension de son amour et de sa quête."Alexis Flanand

• " C'est avec un réel bonheur et plaisir que j'ai regardé plusieurs fois votre DVD. C'est surprenant, je m'attendais et j'espérais voir ce que j'ai vu, ce que j'avais par avance imaginé... Un peintre heureux, en parfaite harmonie avec ce qu'il cherche, ce qu'il fait, ce qu'il est, tout simplement. Je ne suis pas "déçue" bien au contraire. J'ai vu un homme heureux comme un enfant lorsqu'il court à travers un champ de fleurs. Un homme qui n'a pas perdu son âme d'enfant, sa spontanéité si touchante qui m'a fait sourire, rire et émue bien entendu. J'ai ressenti à travers ce portrait le petit garçon toujours présent qui côtoie malicieusement cet homme devenu peintre. Il y a toujours cette humilité, cette persévérance et cette légèreté que je trouve chez vous. De belles qualités en somme. Face à ce paysage si beau parfois presque irréel, face à cette montagne massive malgrè son éloignement, face aux couleurs qui éclatent généreusement, face aux fleurs qui inondent l'espace, face à ce jaune si lumineux qui rendrait presque jaloux le soleil, face à tout cela et bien plus encore mes yeux se sont émerveillés. J'ai aimé les peu de mots, les forts silences non pesants et nécessaires, les silences qui n'en sont pas si l'on sait regarder, écouter. Le chant du pinceau sur la toile tendue tel un tambour, sa résonnance mêlée aux mouvements du peintre, aux battements de son ressenti, de son humeur, de son instinct de peintre. La découverte du bruissement du pinceau mêlée aux bruissements des insectes alentour, l'hésitation puis la détermination du pinceau qui mêle la couleur, ces minuscules montagnes de couleurs posées rigoureusement sur la palette et qui par magie deviennent à leur tour paysage dans la toile et prennent vie. Merci, j'ai aimé le DVD de Monsieur Alexis Flamand pour tout cela, durant 19 minutes, le voyage en valait la peine. Merci de m'avoir fait partagé ce moment, j'ai appris aussi... Votre générosité et votre simplicité sont de belles valeurs de peintre, de belles couleurs que vous avez su préserver avec grâce. Je ne sais pas si - l'art est une blessure qui devient lumière - (selon G. Braque) mais c'est sûr c'est en tous les cas une lumière indispensable et nécessaire pour respirer la vie." I. D.

 






1er Film d'Alexis Flamand

 

 

(Suite)

 


Yves Calméjane
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