Tu te souviens de la terre quand elle s’effrite sous tes pas, quand sa motte séchée ne résiste plus à ton poids ou bien déforme ta ligne de marche -Tu regardes la terre - La plupart du temps, tu remarques que tu ne la vois pas : tu aperçois un duvet d’herbes, des poils de bois, les épaules de rocs musculeux,… tu ne vois la terre que lorsqu’on la pénètre…lorsqu’on lui fouille le ventre, la chair ouverte, offerte à ton regard ; car tu la regardes, la terre, longuement, dans un silence de cierges en plein jour, dans un échange austère et charnu, la terre…une chair grumeleuse qui soulève le chaos en toi, ocre perplexité, âcre ribe ; tu reçois un don du plat, le plat plus bas que toi offert au soleil, à la pluie et quand tu t’allonges sous la tente des arbres, quant tu suis les lignes de branches roses découper des trapèzes bleu ciel, quand tu t’allonges sur le bâteau sombre pour contempler les astres, quand tu t’étoffes d’encre, quand le pis aller revient à se laisser aller à terre, tu découvres que toute la nuit la terre regarde les étoiles, que toute la journée la terre regarde le ciel … tu deviens alors un morceau de cette marne-bloc comme un bois posé, fossile ; tu sens ton corps comme grignoté de phosporescences, dont il ne subsisterait qu’une ombre bleue…