Rêveries 9 : “Les éléments tout puissants”
1 — Les premiers hommes à l’école de la nature
Un ciel inaccessible mais par lequel nous parvient la lumière, une eau qui nous submerge mais qui est indispensable à la vie, une terre qui nous nourrit malgré tous les dangers, puis enfin le feu bénéfique ou maléfique, selon... L’humain est capable de mesurer sa fragilité face à la démesure des forces qui l’entourent. Le visage de la nature, successivement redoutable ou fertile, est dans les deux cas tout puissant. Les éléments peuvent donc soit l’anéantir physiquement, soit être à la source de ce qui donne vie. L’être humain peut se voir récompensé d’une conquête, ou être précipité par le bas à la suite d’une faute. La nuance entre le courage puis l’acte présomptueux interroge le discernement. Les puissances qui dominent l’homme l’ont-elle éduqué petit à petit, de sorte qu’il soit finalement capable de mesures, de reconnaissances et de gratitudes. À la fois par la crainte et par le bonheur de ce qui lui est offert. L’éducation parentale cherche à reproduire les confrontations redoutables et bénéfiques de la nature. Nous avons grandi, depuis le début des temps sous la tutelle de la récompense et de la punition. L’épreuve est la condition de l’apprentissage. Les faits sont ancêstralement interprétés comme des révélations et obligent à des remises en cause successives, à des re-positionnements. Une œuvre est un reflet des différentes puissances. L’art consiste à inclure dans la matière inerte les énergies dont nous parlons, une sorte de contrôle de leurs pouvoirs.
2 — La hiérarchie des puissances et le positionnement
Devant les inaccessibles puissances naturelles supérieures que l’être humain ne peut comprendre, l’émotion qui l’envahit est une consistance essentielle de son être. Les réactions intimes extrêmement variées d’un individu à l’autre sont par exemple la revanche ou l’effondrement, la frustration ou la curiosité, la mesure ou la peur, l’orgueil ou l’admiration. La relation avec ce qui à l’inverse est en situation de faiblesse vis-a-vis de lui peut disposer l’humain à de la compassion, une projection de sa propre condition, puis malheureusement le conduire également au mépris, ainsi qu’à la reproduction des oppressions subies.
3 — La reconnaissance
L’homme est capable de remerciement envers les événements qui lui ont été bénéfiques. Cadeaux qu’il a reçu de la nature, de ses proches, des autres hommes ou de son dieu. Attiré par revivre une joie renouvelée et répulsé par la crainte d’un échec, ces deux propulseurs rendent puissante son émotion de gratitude. Une forte émotion qui ne demande qu’à être évacuée au dehors, qui cherche un chemin d’expression, une attitude de remerciements, de rendre le bienfait par retour.
L’honneur rendu est-il une qualité proprement humaine ? L’homme est-il suffisamment bon? Avons-nous une qualité pour prendre connaissance puis pour être reconnaissant? L’attente d’un retour est-elle l’explication ? La peur et la crainte de cet inconnu duquel nous sommes dépendants a-t-il fabriqué dans les mémoires des suites de superstitions puis des mythologies ? Une œuvre est-elle une interface entre nous-même et les choses qui suscitent notre gratitude... À la fois une sorte de révélation de ladite puissance par l’image ainsi qu’une offrande de cette image destinée à cette puissance? Comme si l’ouvrage était visible des deux côtés ?